travail santé société territoires (TSST)

le projet associatif

Désenclaver la santé au travail, tel est l’enjeu. Cela signifie mettre en évidence le lien de plus en plus prégnant entre les questions de santé au travail, les enjeux de santé publique et les enjeux de performance économique des organisations. Les frontières classiques entre le travail et le hors travail, ou entre l’entreprise et l’espace public, ne sont plus tenables, en raison des mutations que connaît le travail depuis une trentaine d’années.  Il s’agit dès lors de reconnaître une double résonance : d’une part, entre les métiers du management et ceux de la santé au travail, d’autre part, entre les acteurs de l’entreprise et ceux de l’ensemble de la société, notamment, de ses représentants politiques.


Une approche de la santé au travail qui montre ses limites 


L’approche dominante de la santé au travail raisonne le plus souvent en tout ou rien : d’abord, dans une logique de sélection de la main-d’œuvre (l’individu est apte ou non à supporter les conditions de travail) ; puis dans une logique d’évitement ou d’éloignement des risques (le « devoir de protection » allant de pair avec le « droit d’alerte »). Cette approche aborde la santé, d’un côté, comme relevant d’une qualité intrinsèque des personnes et, d’un autre côté, comme exposée à des risques qui la menacent de l’extérieur et dont on ne pourrait alors la protéger qu’en les tenant à distance. En raisonnant ainsi à partir des facteurs personnels de fragilité et/ou des facteurs structurels de nuisance, elle considère l’individu comme passif dans un environnement subi, et laisse dans l’ombre l’activité même, c'est-à-dire la dynamique qui se noue dans les situations réelles, où les femmes et les hommes sont moins exposés que physiquement et psychiquement engagés. Or, si cet engagement peut bien sûr les fragiliser et porter atteinte à leur intégrité physique et psychique, il peut tout aussi bien développer au contraire leur santé et le plaisir au travail, leur créativité et leur contribution au développement économique, selon que l’organisation du travail et son management s’en préoccupent ou pas.

L’explosion des troubles musculo-squelettiques d’abord, et des risques psychosociaux plus récemment, oblige à changer radicalement de modèle. L’aptitude et la réduction des facteurs de risques ne sont pas des concepts très opératoires, ils ne suffisent pas à la prévention de ces pathologies désormais incontournables dans tous les secteurs d’activité. Parmi les raisons de cette rupture, soulignons, d’une part, la complexité de tracer l’étiologie des pathologies à effet différé quand les trajectoires professionnelles deviennent plus brouillées. D’autre part, l’importance nouvelle du mode d‘engagement de la subjectivité dans les organisations, à mesure que la dimension relationnelle et servicielle de l’activité devient stratégique dans tous les secteurs d’activité. L’une et l’autre requièrent aujourd’hui de passer par la réalité de l’activité de travail pour repenser les questions de la Santé dans l'entreprise, c’est-à-dire dans les modèles de performance et d’organisation, mais aussi dans la société, c’est-à-dire dans la qualité des relations sociales et des dispositifs institutionnels.


Des évolutions qui impliquent de nouveaux acteurs et une approche renouvelée


Ces évolutions concernent directement le management des organisations et les métiers de la santé au travail ; mais elles affectent aussi les politiques publiques et les dispositifs de réparation, désorganisés par la rupture introduite par la place de la santé mentale dans l’économie générale de la prévention. Elles concernent les partenaires sociaux, dans la mesure où le travail (sa qualité, ses conditions d’exercice, sa valeur) redevient un enjeu humain, social et économique. Elles concernent enfin les pouvoirs publics, au plan national et territorial, du fait des liens nouveaux que l’engagement de la subjectivité dans l’activité oblige à tisser entre santé au travail et santé publique.

« Passer par le travail », et par les nouvelles articulations que tissent ses mutations, indique ainsi un changement de cheminement tout autant que de périmètre dans l’investigation des questions de santé. A beaucoup d’égards, en effet, la capacité d’agir se construit dans un rapport étroit avec le modèle économique qui la sollicite. Or dans le modèle économique dominant, particulièrement en France, tout semble tenir à une stratégie de réduction du coût du travail, soutenue par un progrès économique ramené à une innovation technologique qui s’avère immanquablement génératrice de chômage et d’un appauvrissement du travail ; c’est donc dans cette référence qu’il faut reconsidérer les pratiques de prévention des risques professionnels et de développement de la santé au travail.


Face aux nouveaux défis de la santé, on remarque deux stratégies principales. Celle qui reconnait là une quatrième famille de risques à laquelle il est proposé d’actionner des leviers de prévention, du côté de l’organisation et/ou du côté des capacités des personnes. Et celle qui inverse la problématique de la prévention en promouvant une démarche plus résolument positive, comme par exemple la « qualité de vie au travail ». De la première on connait déjà les limites, moins de la seconde, qui est beaucoup plus récente et dont le retour d’expérience reste à faire ; il est clair que dans les deux cas, tout va dépendre de la qualité du lien qui pourra être fait entre modèle de santé, modèle d’activité (de travail) et modèle de performance et de la manière de les mobiliser conjointement dans les organisations.


Les enjeux pour les métiers directement impactés et impliqués dans ces évolutions sont absolument inédits. Les métiers de l’entreprenariat, dans leur responsabilité à définir des modèles d’affaires à la hauteur des enjeux économiques du moment et de la place centrale du travail dans la création de valeur. Les métiers du management, dans leur rôle de gestionnaires de la ressource qui leur est confiée pour atteindre les objectifs que l’organisation attend d’eux ; en d’autres termes, la question de la performance managériale – la définition de son contenu et la nature du dispositif d’évaluation mis en place pour le soutenir. Les métiers de la santé et de la prévention, certes en termes de compétence étiologique, mais aussi en termes de capacité à mettre la dynamique de la santé en résonnance avec les enjeux de l’organisation et du management. Les métiers du politique enfin : les organisations syndicales et professionnelles bien sûr, les décideurs politiques aussi, sous l’angle des conditions qui leur permett(rai)ent de faire quelque chose d’un meilleur ancrage de la dynamique économique dans la santé des personnes et d’un meilleur ancrage de la santé dans l’activité de travail, à l’échelle des organisations contemporaines comme à l’échelle des collectivités et des territoires. 


L’articulation de ces différents angles d’analyse constitue le socle à partir duquel les rapports entre travail, santé, société et territoires sont susceptibles d’être repensés à l’aide de réflexions, d’initiatives et d’actions que souhaite mener l’association. Elle se donne comme ambition de constituer un espace de rencontres, d’échanges et de réflexion visant à constituer une communauté de pensée et d’action sur la centralité du travail dans le pilotage des organisations, la compréhension des questions de santé publique, la vie en société et la qualité des territoires. L’association cherche à mobiliser un large public de managers, de professionnels de la santé au travail, d’élus, de représentants des partenaires sociaux et de responsables en charge de la définition des politiques de santé publique et de santé au travail.